jeudi 10 avril 2014, par . , , , ,
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Faire fi des distances et du temps dans le but de favoriser des échanges transfrontaliers entre artistes et publics universitaires, tel fût l’axe fondateur de ce projet culturel mené en collaboration avec l’Atelier 231, l’Université de Rouen et deux danseuses, Suzanna Recchia et Vicky Malin, de la Candoco Dance Company ; compagnie de danse internationale, basée à Londres, fondée par des danseurs valides et non valides.
Durant tout le mois de mars, ces deux danseuses ont enchainé les aller-retour Londres / Sotteville-Lès-Rouen menant de front aussi bien des ateliers de pratique artistique auprès des étudiants de l’Université de Rouen et des associations sottevillaises, qu’une participation à la journée d’études sur le thème du spectacle vivant et du handicap organisée par les étudiants de Master 2 Développements des Publics de la Culture. Elles ont également assisté, le 27 Mars 2014, à la restitution publique des étudiants lors des Rencontres Chorégraphiques Interuniversitaires.
Entre deux trains à prendre, elles ont accepté de nous accorder un peu de leur temps pour répondre à quelques-unes de nos questions et revenir sur ce mois passé en Normandie.
Retour sur le parcours chargé de deux danseuses passionnées !
Pouvez-vous vous présenter et nous dire quelques mots sur votre parcours ?
Vicky Malin
Suzanna Recchia
Pouvez-vous nous expliquer comment se sont déroulés les ateliers avec les étudiants ? Et qu’avez-vous travaillé en particulier ?
Vous avez aussi mené un atelier auprès des danseuses de l’association Lignes de Danse, sur quoi a porté le contenu de cet atelier ?
De même, vous avez également animé deux ateliers auprès d’adultes handicapés souffrants de déficience intellectuelle (l’Association Médico Educative Rouennaise Les Lierres), comment se sont déroulés ces ateliers ?
Durant tout le mois de mars, vous avez passé beaucoup de votre temps à l’Atelier 231 : Avez-vous eu l’occasion de sortir un peu ?
Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ? Et avez-vous un moment particulier qui vous a davantage marqué ?
Au fait, parlez-vous un peu le français ? Comment s’effectuait la communication avec les stagiaires ?
Texte et Interview : Sylvain Marchand
Traduction : Mathilde Vautier
Dans le cadre du partenariat liant l’Université de Rouen à l’Atelier 231 (projet ZEPA 2), la Candoco Dance Company a été sollicitée pour travailler avec un groupe de danseurs amateurs de l’Université de Rouen.
Accueillis dans le Tender de l’Atelier 231, Lucie, Bruno, Jérémy, Charline, Kevin-Emeric, Thaïs, Émilie, Clément et Léa ont travaillé tout le mois de mars – une vingtaine d’heures au total – avec Susanna Recchia et Victoria Malin, danseuses de la compagnie britannique.
Première séance : Susanna et Victoria découvrent le groupe, l’hétérogénéité des dynamismes et des corps, la convergence du plaisir d’être et de danser ensemble. Cela caractérisera finalement tout le processus traversé par les étudiants, marqué par ce qui fonde l’esprit de cette compagnie rassemblant danseurs valides et danseurs en situation de handicap : danser avec l’autre en restant singulier, danser ensemble avec le corps qu’on a.
La création s’est élaborée progressivement à partir d’improvisations (musicalité du mouvement, captation/reproduction du mouvement de l’autre) et de jeux d’espace (circulations, traversées, circularités). « Right Back » a été présenté le 27 mars sur le parvis de la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan à l’occasion d’une journée d’étude organisée par les étudiants du Master Développement des publics de la Culture (« Spectacle vivant et handicap »). Le lendemain, également à la Maison de l’Université, la pièce a été jouée dans la salle de spectacle lors des rencontres interuniversitaires de danse contemporaine. Deux cadres pour une même pièce.
Si la danse contemporaine – qui plus est lorsqu’elle investit l’espace public – a souvent pour projet de faire la part belle à la multiplicité (des corps, des rencontres, des regards), c’est bien cela que la Candoco Dance Company a ici proposé d’expérimenter par corps.
Magali Sizorn, Mcf Université de Rouen, animatrice de l’atelier chorégraphique Suaps/Asruc de l’Université de Rouen.
Photos : Louise Jacquet, Sylvain Marchand
Une rencontre franco-anglaise enrichissante dans l’univers de la danse. Nous vous invitions à venir découvrir le regard, les impressions de trois des participantes à cette expérience : un « feedback » émouvant !
Lucie
1/ Peux-tu te présenter ? Qu’est ce qui t’as amené à la pratique de la danse ?
Lucie Van de Moortel, je viens du Havre, je fais mes études à Rouen dans le master Développement des publics de la Culture. Je danse depuis 15 ans environ. Ce n’était au début qu’un loisir puis, c’est vite devenu une passion et un besoin essentiel : tant celui de partager des moments artistiques et humains que celui du mouvement, de la relation au corps.
2/ Comment se sont déroulés les ateliers/rencontres avec les deux danseuses de la compagnie Candoco ?
Après une première rencontre, présentation timide en anglais, la mise en mouvement a commencé et l’on s’est vite rendu compte que le corps et le mouvement nous permettaient beaucoup plus le dialogue que le langage.
3/ Quelles sont tes impressions ? Qu’est ce que cela t’as a apporté ?
La chose que je retiens avant tout c’est la capacité que possède la pratique d’un art et la danse en particulier, à créer un dialogue dépassant les barrières de la langue. Ce qui, aussi, a été très agréable tout au long des ateliers était l’investissement permanent des danseuses, tant envers le groupe qu’envers les individus. Je me souviens par exemple d’une séance pendant laquelle chacune d’entre elle a pris le temps de nous observer un par un sur une partie solo de la chorégraphie. Il est assez rare de bénéficier d’un temps privilégié comme cela afin d’avoir des conseils sur chaque mouvement, chaque intention. Elles nous ont permis d’améliorer notre phrase chorégraphiée sans modifier nos choix. Maintenant, j’ai envie de danser encore plus souvent. L’envie de faire d’autres rencontres aussi riches. La capacité de travailler certains états de corps encore jamais explorés
Léa
1/ Peux-tu te présenter ? Qu’est ce qui t’as amené à la pratique de la danse ?
Je suis originaire de Rouen et je fais de la danse depuis que je suis petite.
2/ Comment se sont déroulés les ateliers/rencontres avec les deux danseuses de la compagnie Candoco ?
Les ateliers se sont bien déroulés, le format de plusieurs séances sur un mois permet de rentrer dans l’univers des artistes et de créer une dynamique de groupe.
3/ Quelles sont tes impressions ? Qu’est ce que cela t’as a apporté ?
Les danseuses ont été très pédagogues et impliquées. J’ai apprécié leur approche de la danse qui est plus physique qu’émotionnelle, ou dramatique.
Thaïs
1/ Peux-tu te présenter ? Qu’est ce qui t’as amené à la pratique de la danse ?
Je m’appelle Thaïs Thiburs, j’ai 18 ans et j’habite à Pîtres dans l’Eure. Je danse depuis longtemps, j’ai fait de la danse classique, contemporaine et orientale. J’ai commencé à danser parce que c’était évident. Mes parents aimant beaucoup la danse, ça leur convenait. J’ai arrêté pendant mon lycée pour faire du théâtre mais je me suis empressé de reprendre en arrivant à la Fac
2/ Comment se sont déroulés les ateliers/rencontres avec les deux danseuses de Candoco ?
Très bien. Grâce à mon cursus de langue à la fac, je n’ai eu quasiment aucun problème de compréhension. De plus, j’ai trouvé la démarche des deux danseuses très pédagogique et j’ai aimé leur façon d’appréhender l’apprentissage de la chorégraphie.
3/ Quelles sont tes impressions ? Qu’est ce que cela t’as a apporté ?
Je suis heureuse d’y avoir participé et j’ai aimé l’ambiance détendue. Je suis plus confiante quant à mon image, je me regarde moins faire et j’aime beaucoup plus danser avec les autres, jouer avec le regard des autres danseurs.
Interview : Louise Jacquet
Outre les ateliers chorégraphiques menés en direction des étudiants de l’Université de Rouen, deux ateliers ont été menés avec l’Association Médico Educative Rouennaise Les Lierres, qui accueille et propose des activités à des personnes en situation de handicap, atteintes de déficiences motrices, psychomotrices ou intellectuelles.
Au cours de ces ateliers des 17 et 24 mars, les danseuses de la compagnie Candoco, Suzanna Recchia et Vicky Malin, ont rencontré une dizaine d’adultes membres de cette association. Dès le début, les Tontons Danseurs , nom de leur groupe de danse, ont montré leur enthousiasme et leur plaisir à danser ensemble.
L’accent a été mis sur des exercices de groupes, que ce soit par deux, par quatre ou tous ensemble, où chaque participant était amené à être à l’écoute de tous, à observer, à retenir, mais aussi à interagir, à s’inspirer, à proposer et à chorégraphier. A travers ce travail de chœur, les choix et les propositions de chacun étaient toujours mis en valeur, dans un perpétuel dialogue en mouvement entre individu et groupe, parties du corps et corps entier, français et anglaises.
Ces quelques belles heures ont été ponctuées d’application et d’attention, mais aussi de douceur et de convivialité.
Ce bel état d’esprit s’est retrouvé, avec les danseuses de l’association Lignes de Danse invitées à venir à la rencontre de la démarche artistique des danseuses de la compagnie Candoco le dimanche 23 mars. Suzanna et Vicky leur ont proposé de danser sur des morceaux de leur répertoire et en particulier sur un extrait d’une pièce de Trisha Brown « Set and Reset »
La première partie de l’atelier mettait l’accent sur les notions d’espace et d’écoute, à travers des exercices sur le transfert de poids et la fluidité dans le mouvement.
La deuxième partie était orientée sur une phrase du répertoire. A partir de cette phrase, il s’agissait d’improviser des rencontres dans un espace contraint avec pour consigne de réutiliser le matériau chorégraphique à l’écoute des autres. Sur la base de cet exercice, les danseuses ont écrit leur propre chorégraphie dans le temps et dans l’espace, en y intégrant un jeu ludique entre elles.
Proches de cette démarche de travail et habituées à aller à la rencontre d’univers chorégraphiques multiples et nouveaux, c’est dans l’humour, la détente, et la complicité que les danseuses de France et d’Angleterre ont dansé à l’Atelier 231 en ce dimanche pluvieux.
Texte : Julia Duchemin et Caroline Lelong
Photos : Caroline Lelong